| Naqia (ou Zakutu) : reine de l’Empire assyrien (actuel Irak), qui a vécu à peu près entre -730 et -670 avant notre ère. Epouse du roi Sennacherib, mère du roi Assarhaddon, grand-mère du roi Assurbanipal. |
Je crois que si tu me dis “Assyrie”, je ne peux te citer aucun nom, et en fait, peu de choses. Je vois quelques images, des rois aux barbes bouclées sur des reliefs du Louvre, la porte d’Ishtar et ses lions bleus au musée de Berlin, et puis le mot “Babylone” aux connotations un peu confuses, qui évoque aussi bien des jardins suspendus disparus, le mythe biblique de la Tour de Babel qu’une chanson de Boney M. (dont les paroles d’ailleurs reprennent la Bible).
Du coup, j’ai voulu creuser. Quelles femmes émergent de ces imaginaires un peu flous ? Et je suis tombée sur la reine Naqia, aussi appelée Zakutu. Cette reine de l’Empire assyrien a vécu à peu près entre -730 et -670 avant notre ère. Elle a eu une longue vie pour l’époque, et une influence politique inédite pour une femme et une reine de son temps.
C’est quoi l’Empire assyrien, vous allez me dire, et c’est quoi la différence avec la Mésopotamie, Babylone, tout ça ? En fait, la région globale de l’Irak et la Syrie dans l’Antiquité s’appelle la Mésopotamie, et son histoire couvre 3000 ans. A l’origine, on a en gros 2 pôles de civilisations : au nord, Akkad, qui donne le terme “akkadien” qu’on va employer ; au sud, Sumer, qui donne le terme “sumérien”. Je vous passe les histoires de cités et de royaumes successifs, mais toute cette région a des points communs, dont l’usage des cunéiformes (même si c’est pour écrire des langues différentes). J’accélère de quelques siècles, les royaumes chutent et les frontières changent, mais on retrouve la division nord/sud, avec au nord l’Empire Assyrien qui va nous intéresser, et au sud le royaume de Babylone. L’Empire assyrien grandit, le royaume de Babylone s’affaiblit et devient une simple province de l’Empire Assyrien. Bien sûr, on garde le langage akkadien et des pratiques culturelles sumériennes, sinon c’est trop facile. Et c’est là qu’on se place pour cet épisode.
Naqia est donc liée aux rois de l’Empire assyrien. Comme souvent pour les femmes sur lesquelles on a peu de sources, les phases de sa vie telles qu’elles nous sont connues sont découpées par rapport aux hommes qu’elle a côtoyés – en l’occurrence, trois rois successifs : Sennachérib, son époux ; Assarhadon, son fils ; Assurbanipal, son petit-fils. Du temps de son époux, Sennachérib, elle est peu visible, plutôt une reine secondaire ; c’est vraiment du temps de son fils qu’elle va prendre les rênes and shine, et montrer toute son influence.
Dans cet épisode, nous avons parlé de la reine Naqia, épouse, mère et grand-mère de roi en Assyrie. Nous avons parlé de lutter pour le pouvoir, de reconstruire Babylone ; d’être la seule femme à élever des palais, à dialoguer avec des officiers, à émettre des décrets royaux et surtout, à apparaître dans les sources. Mais aussi des clichés sur les harems, de prophéties à la déesse Ishtar et de traduction des cunéiformes. Surtout, nous avons parlé de femmes, de vénérer une déesse en tant que reine et de travailler sur une reine en tant que chercheuse.
Pour tout ça, et plus encore, je vous invite à rejoindre ma conversation avec Violeta au sujet de Naqia.

L’experte invitée
Violeta d’Aguiar est portugaise et prépare une thèse en cotutelle à l’École Pratique des Hautes Études et à la Nouvelle Université de Lisbonne. Ses recherches portent sur les formes de pouvoir féminin dans la Mésopotamie ancienne, depuis les sources sur les reines assyriennes et babyloniennes jusqu’aux représentations littéraires et mythologiques des déesses. Après une première visite à Paris dans le cadre d’un programme Erasmus de premier cycle, elle est également venue passer un an à Paris pour rédiger son mémoire de master sur le règne d’Assarhaddon en Assyrie et y est maintenant retournée dans le cadre de son contrat doctoral.
Écouter l’épisode
Date de sortie : 12 novembre 2024
Disponible sur :
Dans l’histoire de l’art




© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Bibliographie
Références scientifiques
- Bahrani, Zainab. Women of Babylon: Gender and Representation in Mesopotamia. London / New York: Routledge, 2001.
- Barjamovic, Gojko. « Pride, Pomp and Circumstance: Palace, Court and Household in Assyria 879-612 BCE ». Em Royal Courts in Dynastic States and Empires. A Global Perspective, édité par Jeroen Duindan, Tüllay Artan et Metin Kunt, 27–61. Leiden: Brill, 2011.
- Kertai, David. « The Queens of the Neo-Assyrian Empire ». Altorientalische Forschungen 40, n.o 1 (2013): 108–24.
- Melville, Sarah C. « Neo-Assyrian Royal Women and Male Identity: Status as a Social Tool ». Journal of the American Oriental Society 124, no 1 (2004): 37–57.
- Melville, Sarah C. « The Role of Naqia/Zakutu in Sargonid Politics ». SAAS 9. Helsinki: Neo-Assyrian Text Corpus Project, 1999.
- Melville, Sarah. 2014. « Women in Neo-Assyrian texts ». In Chavalas, Mark W. (ed.). Women in the Ancient Near East: A Sourcebook. London: Routledge.
- Ornan, Tallay. « The Queen in Public: Royal Women in Neo-Assyrian Art ». Em Sex and gender in the ancient Near East : proceedings of the 47th Rencontre Assyriologique Internationale, 2001, 461–77. CRRAI 47. Helsinki: The Neo-Assyrian Text Corpus Project, 2002.
- Svärd, Saana. « Changes in Neo-Assyrian Queenship ». State Archives of Assyria Bulletin 21 (2015): 157–71.
- Svärd, Saana. « Women and Power in Neo-Assyrian Palaces ». SAAS 23. Helsinki: The Neo-Assyrian Text Corpus Project, 2015.
Bibliographie de l’invitée
- Aguiar, Violeta d’. « Prophecy in Service of the King: Ideology in the Neo-Assyrian Oracle Collections ». Master’s dissertation, Universidade Nova de Lisboa, 2022.
- Aguiar, Violeta d’. « The Lachish Reliefs.The Programmatic Representation of the King at War under Sennacherib ». Cadmo – Journal of Ancient History 29 (2020): 55–85.
- Aguiar, Violeta d’. « Le Pouvoir au Féminin : femmes et déesses mésopotamiennes et leur relation avec le pouvoir ». EPHE – PSL. (Thèse de doctorat en cours).

